Whole Hog : une aile d’avion sur un Classe C

15/4/15

Encore un bel article de François Chevalier sur le site de Voiles et Voiliers.



Whole Hog : une aile d’avion sur un Class C

 

Depuis que la Coupe de l’America en est réduite à courir avec des One Design de 48 pieds (14,65 m), la Little Cup est un des derniers bastions de la création architecturale. Son secret réside dans le règlement qui, dès le début en 1961, prenait en compte la surface des espars dans la surface de voilure. Cette précision de la jauge lui a rapidement, peut-on dire, donné des « ailes ».

 

Classe CComparatif de trois générations de Class C : Wildcat en 1961, Bervely en 1968, Groupama en 2013.Photo @ François Chevalier


 

A la mise à l’eau de son Class C Beverly, William Van Alan Clark Jr. étonne tout un chacun par l’originalité et la nouveauté de ses choix. Alors que les catamarans de l’époque comportent des bras de liaison en bois, avec un cockpit en contreplaqué, les deux coques, plus fines que celles de ses concurrents, sont reliées par trois tubes d’aluminium surélevés, fixés sur des platines sur les coques, un peu à la manière des premiers Hobie Cat. Un trampoline est tendu entre les deux bras arrière.

 

Bervely

Bervely, premier Class C de William Van Alan ClarkJr. remporte le North American Catamaran Championship en août 1962.Photo @ François Chevalier

Conçu par Bob Harris et construit en polyester au chantier Cape Cod Shipbuilding à Wareham, non loin du Beverly Yacht Club dans le Massachusetts, le catamaran porte le nom de son club et arbore des coques rouges, comme tous les voiliers de Van Alan. L’endroit, au fond de la Buzzards Bay, vaut le détour, et l’île Rann, la demeure de William, en face de Marion, est un petit bijou autour duquel les régates locales ne cessent de tourner, excepté l’hiver. Du 19 au 20 août 1962, c’est ici que se déroule le North American Catamaran Championship pour la sélection du challenger de la Little Cup.

 

Beverly s’impose devant quatre autres Class C américains et le précédent vainqueur de la Petite Coupe de l’America, que les Britanniques avaient vendu avant de rentrer chez eux l’année précédente. Cependant, les choses ne se passent pas aussi facilement lors de la Coupe dans l’estuaire de la Tamise, et Beverly est battu 4 à 1 par Hellcat et le trophée reste en Angleterre.

 

Les origines de l’aile

 

Whole Hog

Whole Hog en 1968.Photo @ François Chevalier

Deux ans plus tard, l’architecte américain George Peterson conçoit un mât aile sur son Class C Sprinter, mais n’arrive pas à s’imposer devant la réalisation des frères Dave et Jerry Hubbard, Sealion gréé sans foc. Beverly a reçu un gréement également en “Una Rig“ et est équipé de dérives orientables et de safrans relevables dans les coques. Les efforts dans les voiles et sur les gréements sont tels que les pièces d’accastillage cèdent souvent, et William Van Alan Clark se demande alors si la solution d’une aile autoportante résoudrait les problèmes de déformation des voiles dans les hauts et réduirait les efforts sur les bras. Il reste le problème du poids, une aile pèserait au moins deux fois plus qu’un gréement classique, mais il aurait une puissance aussi incomparable, dans les meilleures conditions.

 

Dès 1965, William demande à son ami Courtland B. Converse, ingénieur aéronautique et président de la Pee-Kay Aircraft, spécialisée dans les flotteurs d’hydravions, âgé alors de 33 ans, de lui concevoir une aile pour son catamaran. Le projet reçoit le nom de Whole Hod, mais sa réalisation est repoussée, car le devis de poids n’est pas très engageant. L’année suivante, la plupart des Class C arborent un mât aile qui représente 20 à 30% de la surface de voilure, mais William reste persuadé que son idée d’aile résoudrait pas mal de problèmes liés à ces mât ailes qui déversent dans les hauts.

 

Whole Hog

Le premier projet Whole Hog doté d’une aile.Photo @ François Chevalier

Finalement pendant l’hiver 1967, Court Converse alors Président du Beverly Yacht Club, lui dessine une aile pour son Beverly II dont les coques ont été conçues par les frères Hubbard. Plus élancée que celle du projet, elle comporte trois volets arrière de haut en bas. Son profil est plutôt épais, et le volet est comme coupé dans le profil, contrairement aux ailes plus récentes, qui présentent deux profils distincts, un pour la partie fixe et un autre, plus fin, pour les volets. Le voilier, qui n’a pas reçu de nom, navigue au printemps 1968, sort trois ou quatre fois avant de se briser dans un coup de vent. Avant qu’il soit réparé en novembre, Court Converse meurt dans un accident à bord d’un autogyre ouvert, à cent mètres de la maison familiale, à Converse Point.

 

Van Alan Clark, même s’il restera toujours un fidèle supporter de la Class C, ne se remettra jamais de la perte de son ami, et délaisse l’aile qui reste dans un hangar. Sa famille fera détruire l’aile en 1984, après le décès de W. de Van Alan Clark survenu le 16 juillet l’année précédente. Il faudra attendre 1974 pour qu’une aile participe à la finale de la Little Cup, mais auparavant, aux USA comme en Australie, des essais sont entrepris, mais cela est une autre histoire que nous vous conterons bientôt…

 

Deux hommes passionnés

 

Héritier de l’entreprise de cosmétiques Avon, William Van Alan Clark Jr., spécialiste en technologie de pointe, a fondé nombre de sociétés dérivées. Membre éminent du Beverly Yacht Club, il a participé grandement au développement de la Class C aux Etats-Unis. Dès 1965, avec son ami Courtland B. Converse, il a créé la première aile sur un Class C, avec le projet Whole Hog, adaptée quelques années plus tard sur la coque de Beverly II. Mais le décès brutal de Court a démotivé Van Alan de la Class C, même si il a toujours participé en tant que sponsor. C’est son second fils, Steve, qui reprendra le flambeau.

 

Van Alan

Membre éminent du Beverly Yacht Club, William Van Alan Clark Jr. a participé grandement au développement de la Class C aux États-Unis. Son second fils Steve, a repris le flambeau lorsque la Coupe a manqué de challenger et l’a relancée sous la forme d’un Championnat du Monde en 2004.Photo @ François Chevalier

Van Alan Clark Jr., brillant yachtman de Buzzards Bay, a fait construire Beverly au Cape Cod Shipbuilding, sur les plans des architectes MacLear et Harris de New York. Si sa longueur correspond à la jauge, 25 pieds (7,62 m), il est à peine plus large que le Hellcat, 12,5 pieds (3,81 m), soit 46 centimètres de moins que la limite imposée. Ce bau volontairement réduit peut paraitre contradictoire car sur un catamaran, c’est la largeur qui donne la raideur du voilier. Ces bateaux sont construits encore en contreplaqué ou en polyester, et leur poids dépasse souvent 400 kilos avec l’équipage. Aussi, les architectes préfèrent que la coque au vent se soulève le plus vite possible pour éviter la trainée des deux coques. Dans les régates préliminaires, Beverly est très à l’aise dans des vents de 20 à 25 nœuds.

 

Le North American Catamaran Championship se déroule du 19 au 20 août dans le fief de Van Alan Clark, non loin de son île, Ram Island, en face de Marion, au fond de la Buzzards Bay.  Avec le vent dont la baie porte le nom, ceux qui ne sont pas encore au point se trouvent rapidement en difficulté. Texas Hellcat, conçu et construit par son propriétaire et skipper Peter Oetking, est le seul au maximum de la jauge, mais manque de préparation, il abandonne dès le premier jour. Sprinter, dessiné et réalisé par George Patterson, est monté par Bob Smith et Dave Hubbard, il est tout nouveau et a les dimensions du Hellcat II.

 

Court Converse

Court Converse fut le plus jeune Président de l’histoire du Beverly Yacht Club de Marion, dans le Massachusetts. Il est issu d’une famille de fabriquant de chaussures collées, qui a inventé la forme des chaussures typiques américaines de la côte Est et des chaussures de sport dans le monde.Photo @ François Chevalier

Enfin, les deux Tremolino, numéro II et III, au syndicat Le Boutillier-Cornwell sont dus au crayon de Harold Boericke et du Lieutenant Colonel C. E. Cornwell. Les fils des propriétaires, Ed et Boot, sont sur le II et Walt Hall et Tommy Jackson sont sur le III. Beverly, qui joue dans sa cour, remporte les trois quarts des régates en flotte et en match racing, et gagne le Trophée. Dans la foulée, les sélections américaines ont lieu entre les trois premiers, Beverly, Sprinter et Tremolino II. Le Comité retient finalement le voiler de Van Alan, qui a dominé la compétition comme challenger.

 

 

 

 

 

 

La dulcinée danoise

 

À la question bateau : « Quel est le Class C que vous avez préféré ? », je suis resté un peu perplexe. Je venais de dessiner quelques 87 plans pour mon ouvrage sur la Petite Coupe de l’America. J’ai finalement choisi Dulcinea, que peu de gens connaissent, mais qui résume bien l’esprit de cette « Petite Coupe ».

 

Dulcinea a été conçu en 1970 pour Paul Elvstrøm médaillé d’Or olympique, par l’ingénieur et pilote Danois Ib Pors Nielsen. Ib était le manager de l’équipe danoise de l’année précédente pour la Petite Coupe. Leif Wagner Smitt et Gert Frederiksen, tous deux architectes sur Opus III, avaient battu les Anglais sur Ocelot, mettant fin à huit ans de domination Britannique. Paul Elvstrøm était venu au Thorpe Bay Yacht Club soutenir les Danois et avait été conquis par l’ambiance et le niveau technologique des catamarans.

 

En 1969, les Danois n’ont toujours qu’un seul Class C, impossible de s’entraîner. Leur Opus III a hérité du gréement d’Opus II, aussi, s’ils ont deux coques, ils n’ont toujours qu’un mât aile. Leur victoire est due, en grande partie, au fait que leur adversaire Ocelot, date de quelques années. Aussi, le projet de Paul Elvstrøm et Ib Por Nelsen est une bonne opportunité pour défendre la Coupe l’année suivante au Danemark. Leif Wagner Smitt et Gert Frederiksen sont assez contents de la coque d’Opus III, dont ils surélèvent l’étrave, et conçoivent un mât aile avec une surface encore plus importante. De son côté, Ib Por Nelsen est résolu à innover avec un catamaran de conception révolutionnaire. Un Class C équipé d’une aile à fort allongement, qui se prolonge sur une base cylindrique, capable de s‘orienter sur 360°.

 

Aile Clark
L’aile de Clark conçu par Court Converse en 1968.Photo @ François Chevalier

 

Il supprime totalement la voile et prévoit un volet de bord de fuite assez large pour obtenir une grande souplesse de réglage, et rester efficace au portant. Dulcinea, le premier Class C européen à aile, est mis à l’eau peu de temps avant Sleipner et porte le numéro 2. La platine à la base de l’aile, de 2,70 mètres de diamètre, inscrite dans le pont, tourne sur un roulement à bille assez original : 50 ballons de gymnastique roulent dans une gorge et amortissent les efforts. L’aile est autoportante, son profil est du typa NACA 4711, mesure 12 mètres de haut et pèse 70 kilos. L’ensemble est en bois moulé, contreplaqué aviation et polystyrène expansé de 15 kg par mètre cube pour les couples.

 

Lors de la première sortie, Paul Elvstrøm est surpris par la puissance de l’aile, le manque de trapèze dû au fait que l’aile peut tourner complètement se fait sentir, le catamaran gîte, accélère mais une survente le couche et le mât se brise. Réparé quelques jours plus tard, il n’aura pas l’occasion de se mesurer à son compatriote, mais étonnera tous les journalistes venus à sa remise à l’eau en les doublant, alors qu’ils sont à bord d’une vedette rapide… Sleipner, opposé à Quest III, ne pourra résister à l’assaut de l’Australien, dû aux talents de Charles et Lindsay Cunningham. Ils s’imposeront encore en 1972… A noter que la prochaine Little Cup aura lieu à Genève à la Nautique, en septembre 2015.

 

Aile Clark
Plans de l’aile imaginée par le président du Beverly Yacht Club de Marion, Court Converse.Photo @ François Chevalier

 

Jauge Catamaran Class C :
Longueur hors tout : 25 pieds (7,62 mètres)
Largeur : 14 pieds (4,27 mètres)
Surface de voilure (espars compris) : 300 pieds carrés (27,87 mètres carrés)
Deux équipiers

Publication
Vous pourrez suivre la suite de cette étonnante et passionnante aventure de la Little Cup qui a débuté en 1961, dans l’ouvrage à paraître en avril aux éditions de La Martinière. Format à l’italienne, 28 cm, 224 pages, 87 plans, les cartes, portraits et histoire. Une édition en français et une en anglais.

 


 

François Chevalier
Voiles et Voiliers


http://www.voilesetvoiliers.com/course-regate/whole-hog-une-aile-davion-sur-un-class-c-little-cup-/


 

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