Splice, un Classe C très particulier6/11/14 Splice, un Classe C très particulier
La Petite Coupe de l’America, comme il est coutume de l’appeler, est depuis son origine, en 1961, le creuset d’inventions les plus extravagantes. Après Dulcinea, le Classe C Danois de 1970 que j’ai décrit récemment sur le site, il en est un qui ne passe pas inaperçu lorsqu’il arrive aux États Unis pour les sélections des challengers de 1976. J’ai nommé Splice. Le premier et seul Classe C d’origine Sud Africain connu, mais quel Classe C !
Les particularités de Splice sont telles que je ne sais par laquelle commencer. À la base, il répond en tout point à la Classe C, soit 25 pieds de long, (7,62 mètres), 14 pieds de large (4,27 mètres), et une surface de 300 pieds carrés (27,87 mètres carrés). Cependant, en principe et par définition, il y a deux équipiers à bord, or il n’y a qu’une place dans le cockpit à la base de l’aile, et, comme l’aile occupe la largeur de la poutre entre les coques, l’autre équipier est bien embarrassé pour changer de bord. L’aile comporte un volet de bord de fuite sur toute sa hauteur, et un aileron arrière de stabilisation, lui-même équipé d’un volet de bord de fuite. Cette configuration s’apparente aux catamarans à gouverne automatique développés notamment à Seattle aux USA. La liaison entre les deux coques est assurée par une large poutre, cependant plus étroite que la base de l’aile.
L’aile est particulièrement élancée, et tourne de 360° sur sa base sur un disque en bois dur. Il n’y a pas de haubans, pas plus de trapèze pour l’équipier, et le barreur reste dans son habitacle de verre (en plexiglass). Il commande l’aileron et son volet qui orientent l’aile, ainsi que le volet de l’aile ; les safrans sont commandés par pédalier. Le pilote enfermé dans l’aile ne crée pas d’obstacle aérodynamique, mais bloqué dans sa cabine, il ne participe pas au rappel. La dérive, unique, est sous l’aile, au centre et pivote latéralement ! Les coques ont des francs bords très bas sur l’eau, les étraves sont équipées de bulbes comparables à ceux des cargos. Cette protubérance se prolonge presque jusqu’à la hauteur du bras central. Les extrémités arrière sont pincées et les safrans, sous les coques, pivotent dans une fente en se relevant.
Son concepteur et constructeur, âgé de 54 ans, le Sud Africain Patrick Beatty, demeurant à Bedfordview, dans la banlieue de Johannesburg, est un pilote de planeurs, ingénieur et constructeur. Il vient de passer trois ans à réaliser ce Classe C et l’a testé sur un lac près de Johannesburg avant de l’expédier à Rowayton dans le Connecticut. En ce mois de septembre 1975, le Roton Point Sailing Association est en pleine ébullition. Trois semaines de compétitions vont se succéder, le championnat de la NAMSA (North American Multihull Sailing Association), le Championnat Pacific et Atlantic puis les sélections pour définir le challenger de la Petite Coupe qui se déroulera en février contre Miss Nylex, en Australie.
Pour sa première sortie, Pat voulait naviguer seul, mais il lui a été rétorqué que la règle de la Classe comporte deux équipiers, aussi le club lui adjoint un jeune volontaire. Compte tenu du danger couru par le jeune homme dans les virements de bord, sans compter les risques de s’empaler sur le levier de relèvement de la dérive, le comité autorise Pat à naviguer sans équipage.
Rapidement, Splice s’avère redoutable au près, avec un cap inhabituel. Mais sur les bords de largue, sa stabilité latérale est mise à mal, la coque sous le vent s’enfonce. Puis, au portant, la rentabilité de l’aile devient très faible, les volets étant relativement peu importants par rapport à l’aile. Sa seule possibilité de progresser est de tirer des bords de largue sur le bord de portant.
Cette première journée de régate sera sa dernière. La nuit, un vent violent endommage le voilier à terre, et Pat ne pourra le réparer à temps pour participer aux sélections. Il tronque l’aile, et la cède au Professeur Sam Bradfield, de l’Université de Stonybrook. Sam, pionnier des hydrofoils, conserve Splicequelque temps alors que Pat retourne dans son pays sans jamais revenir au Classe C. Lui et son épouse sont morts dans un accident de la route en 1991.
Les sélections américaines se soldent par la victoire du voilier d’Alex Kozloff Aquarius V venu de Californie, alors que Patient Lady III avait dominé les championnats, mais a brisé son aile la dernière semaine de course. En février 1976, Alex Kozloff défend victorieusement les couleurs américaines contre Miss Nylex, le précédent vainqueur.
La prochaine LittleCup aura lieu à Genève à la Nautique, en septembre 2015.
François Chevalier Octobre 2014 Partagez sur les réseaux sociauxCatégorieAutres publications pouvant vous intéresser :Commentaires :Laisser un commentaire Aucun commentaire n'a été laissé pour le moment... Soyez le premier ! |
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